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En décidant la dissolution de l’Assemblée nationale, le président Macron a créé une situation – pas de majorité pour gouverner et une majorité de députés défavorables au président de la République – de nature à conduire à une crise de régime, qui ne pourra être évitée que par la lucidité et le sens de l’Etat.
La première priorité est de ne pas aggraver la crise. Quoi que l’on pense du président de la République et de son action, la pire des hypothèses serait sa démission. Une élection présidentielle précipitée, caractérisée par le choc des extrêmes, les outrances et l’absence de débat réel, ne pourrait que plonger le pays dans plus d’incertitudes, alors qu’il a besoin de temps et de sérénité pour se choisir un avenir.
Il faut donc penser cette période cruciale qui nous sépare de la prochaine présidentielle. Un devoir d’honnêteté intellectuelle s’impose d’abord. Le Nouveau Front populaire, bien qu’ayant le plus grand nombre de députés, ne peut, faute de majorité, revendiquer la victoire ni affirmer que les Français lui ont donné le mandat de mettre en œuvre son programme, tout son programme, rien que son programme. Il en va de même du centre et de la droite républicaine, dont les projets de « pacte législatif » et de « pacte d’action », bien qu’innovants dans leur démarche, reflètent leurs visions traditionnelles.
En revanche, pour qui fait l’effort de s’extraire de ses préférences partisanes, les Français ont exprimé des attentes qui relèvent à la fois des sujets portés par la gauche, le centre, la droite et l’extrême droite. Une réalité qui n’entre pas dans les cases du clivage droite-gauche ni du trou noir du « en même temps ». Il ressort de la campagne et de l’équilibre issu des urnes que la nation aspire à plus de justice sociale, notamment en matière de pouvoir d’achat. Elle n’a pas fait sienne la réforme des retraites et appelle à un nouveau débat. Elle porte une demande d’ordre républicain – plus de sécurité, de laïcité, d’autorité à l’école – et attend de l’Etat qu’il assure un contrôle effectif des flux migratoires. L’absence d’adhésion forte au programme du Nouveau Front populaire montre aussi que les Français ne souhaitent pas le creusement de la dette alors qu’une procédure vient d’être engagée par Bruxelles pour déficit excessif.
Ces messages peuvent se traduire en programme d’action gouvernemental si l’on y ajoute les sujets du logement, de l’agriculture, de la politique industrielle et de la transition écologique, plus consensuels. La gauche dira qu’il est insuffisant, la droite trop limité, l’extrême droite pas à la hauteur des enjeux. Mais répondre déjà à ces objectifs – augmenter le SMIC, ouvrir un vrai débat sur les retraites, sous l’égide d’une personnalité incontestable, pouvant conduire à amender ou à abroger la réforme, faire respecter, avec intransigeance, l’autorité de la loi, se donner un budget responsable, aux efforts justement partagés – ne représenterait-il pas de réels progrès aux yeux des Français. Et quelle coalition de rencontre irait renverser un gouvernement mettant en œuvre une telle politique ?
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